renvoyé d'abord les prifonniers dans leur patrie. Leur retour fit beaucoup d'impreffion fur l'efprit de leurs compatriotes, fur-tout quand ils les entendirent vanter fur-tout la clémence & la générofité dont le Roi avoit ufé à leur égard. D'un autre côté, Amynander, dont la présence & l'autorité avoient contenu le peuple dans le devoir, craignant d'être livré à Philippe, qui le haïffoit depuis long-tems, ou aux Romains, qui alors étoient justement irrités contre lui, à caufe de fa révolte fortit de fon Royaume, & fe retira à Ambracie avec fa femme & fes enfans. Par fa fuite l'Athamanie entiere tomba fous la puiffance de Philippe. Le Conful étoit resté quelques jours à Lariffe principalement pour remettre fa cavalerie des fatigues de la navigation, & de la longue marche qu'elle avoit faite en fortant des vaiffeaux. Mais quand il vit que ce peu de repos avoit rendu à fon armée toute fa vigueur & tout fon courage, il partit pour Cranon. Dès qu'il parut, les Villes de Pharfale, de Scotuffe & de Pheres fe rendirent à lui avec les garnifons qu'Antiochus y avoit laiffées. Des foldats dont elles étoient compofées,il y en eut mille, qui fur fa propofition, s'enga gerentà fervir dans l'armée Romaine,il

les donna à Philippe,& renvoya lesau tres fans armes à Demetriade, il reprit enfuite Proerne,& quelques forts des environs. Alors il s'avança jufqu'au golfe de Maliac. Lorsqu'il approchoit du défilé, au-deffus duquel on a bâti Thaumaces, tous les jeunes gens en armes abandonnerent cette Ville, & s'em-> parerent des bois, des paffages & des hauteurs, d'où ils venoient fondre fuivant l'occafion, fur les troupes des Romains. Le Conful commença par leur envoyer des gens, qui en conférant de près avec eux, les puffent détourner d'une résolution dans laquelle il y avoit plus de fureur que de courage. Mais voyant qu'ils n'entendoient point raifon, il ordonna à un Tribun de faire un circuit avec un détachement de deux Enfeignes, & de fermer le chemin de la Ville à cette troupe obstinée;enfuite il prit cette place qu'il trouva fans défenfe. Les jeunes gens, qui en étoient fortis, jugerent par les cris qu'ils entendoient derriere eux, que la Ville étoit prife; ils voulurent abandonner les forêts, d'où ils fe jetoient fur les Romains; mais ils furent prefque tous tués par les foldats du Tribun. Le Conful en deux jours alla de Thaumaces jufqu'aux rives du Sperchius, d'où il ravagea les terres de ceux d'Hypate.

Pendant ces expéditions, Antiochus étoit à Chalcis. Là s'appercevant que de tous les avantages qu'il avoit espérés des Grecs, il ne lui reftoit que le fouvenir des plaifirs goûtés dans cette ville pendant tout un hiver, & d'un mariage contracté avec fi peu de décence, il commença à fe plaindre des vaines promeffes des Etoliens, & de la fotte arrogance de Thoas; il regardoit alors Annibal, non-feulement comme un Général prudent & expérimenté, mais encore comme un Devin qui lui avoit prédit tout ce qui arrivoit. Cependant pour ne pas achever de ruiner par fa faute une entreprise dans laquelle il s'étoit engagé témérairement, il envoya avertir les Etoliens fes alliés de faire prendre les armes à toute la jeuneffe de leur pays. Il y conduifit lui-même environ dix mille hommes de pied, en comptant ceux qui étoient venus depuis peu de l'Afie, & cinq cents cavaliers. Il y trouva les Etoliens en plus petite quantité que jamais; & quand il s'en plaignit aux principaux du pays qui n'étoient venus qu'avec une poignée de clients, ils lui répondirent qu'ils avoient fait tous leurs efforts, pour amener avec eux le plus de monde poffible; mais qu'ils n'avoient rien gagné, ni par autorité, ni

par promeffes, fur des gens qui refufoient opiniâtrément de s'enrôler. Alors deftitué, & du fecours de fes fujets, qui ne fe hâtoient point de fortir de l'Afie, & de celui qu'il avoit cru trouver en Grece fur la parole de fes alliés, il fe retira dans le défilé des Thermopyles. C'eft une longue chaîne de montagnes qui partage la Grece par le milieu,comme l'Apennin coupe l'Italie; elle a devant elle au feptentrion l'Épire, la Perrhebie, la Magnefie, la Theffalie, la Phtiotide d'Achaïe, & le golfe de Maliac: au midi, vers le milieu, la plus grande partie de l'Etolie, l'Acarnanie, la Phocide & la Locride, la Béotie avec l'Eubée,& par derriere,l'Attique étendue vers la mer en forme de Promontoire, & le Peloponnefe. Ces fommets depuis Leucate & la mer d'occident, jufqu'à celle d'orient en traversant l'Etolie, préfentent des chemins fi rudes, & des rochers fi efcarpés, que non-feulement des armées, mais même de fimples voyageurs ont peine à y trouver des fentiers & des paffages. A l'extrêmité de ces montagnes vers l'orient eft le mont Oeta, dont le fommet le plus élevé est appellé Callidrome, au bas duquel, dans la vallée qui abouzit au golfe de Maliac, eft un chemin

qui n'a pas plus plus de 60 pas de large. C'eft-là la feule route militaire, en fuppofant que l'ennemi ne l'occupe point. Auffi ces détroits font appellés Pyles, c'eft-à-dire Portes, & par d'autres Thermopyles,à caufe des bains chauds qui fe trouvent au milieu. C'est un endroit célebre par le combat que les Lacédémoniens y livrerent aux Perfes, & plus encore par la mort courageufe des premiers.

Antiochus qui n'avoit pas à beaucoup près autant de courage & de réfolution que ces Républicains, s'étant campé à l'entrée du même défilé le ferma encore de divers retranchements, d'un double foffé, d'une double paliffade, & même, en quelques endroits, d'un mur que la quantité de pierres qu'il trouvoit fous fa main, lui donna la facilité d'élever. Dans cette fituation, perfuadé que les Romains ne pourroient jamais le for cer, il envoya quatre mille Etoliens (c'étoit tout ce qu'il put raffembler, moitié pour garder Heraclée, fituée devant le défilé même, moitié à Hypate, ne doutant nullement que les Romains n'attaquaffent la premiere de ces places, & étant averti de plufieurs endroits, qu'ils ravageoient tout le pays aux environs de l'autre. Le Con