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veleux de la nouvelle.

A vrai dire, tous les Contes ne méritent

pas la réprobation dont les ont frappés les moralistes. Quelques-uns être les meilleurs

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ce sont peutcomme Belphegor, la Matrone d'Ephèse et surtout le Faucon, le plus tendre et le plus délicat des chefsd'oeuvre de La Fontaine, pourraient être recueillis à la suite des Fables. Ils suffisent à faire connaître le La Fontaine des Contes, son art inimitable, sa langue et sa versification.

Jamais conteur n'a conduit un récit avec autant d'adresse, de grâce et de bonhomie. La Fontaine mêle le ton de la causerie à celui de la narration; tantôt il laisse ses personnages vivre et parler au naturel, tantôt se divertit de leurs gestes et de leurs propos en spectateur amusé, tour à tour narquois et pitoyable.

Sur la forme du conte, il a longtemps hésité. Lorsqu'il publia ses premiers essais, il mit le lecteur dans la confidence de son incertitude: « Les nouvelles dont ce livre fait part au public, et dont l'une est tirée de l'Arioste, l'autre de Boccace, quoique d'un style bien différent, sont toutefois d'une même main. L'auteur a voulu éprouver lequel caractère est le plus propre pour rimer des contes. Il a cru que, les vers irréguliers ayant un air qui tient beaucoup de la prose, cette manière pourrait sembler la plus naturelle, et

LA GAGEURE DES TROIS COMMÈRES.
LA COUPE ENCHANTÉE.
Edition des Contes, dite des Fermiers généraux. Dessins de Charles Eisen (1758).

par conséquent la meilleure. D'autre part aussi le vieux langage, pour les choses de cette nature, a des grâces que celui de notre siècle n'a pas. » Il abandonna bientôt le « vieux langage »; il renonça à imiter servilement le style de Marot, s'étant aperçu que l'artifice du pastiche rebutait le lecteur; mais, de la langue du XVIe siècle, il conserva nombre de tours et de mots, qu'il faisait entrer dans sa propre langue pour la rendre plus riche et plus savoureuse. Quant aux «< vers irréguliers, il en usa rarement dans ses Contes sur soixante-quatre contes, douze seulement sont écrits en vers libres, cinquante-deux en vers de huit syllabes et de dix. Il semble avoir réservé aux Fables cette merveilleuse versification qui est la parure la plus belle et la plus neuve de sa poésie.

Le Voyage en Limousin

Cet opuscule n'a été publié qu'après la mort de La Fontaine. C'est une suite de six lettres mêlées de vers adressées par lui à sa femme, durant un voyage qu'il fit de Paris à Limoges, dans l'été de 1663. Après la chute de Fouquet, une lettre de cachet avait exilé en Limousin M. Jannart, qui naguère avait introduit son neveu chez le surintendant. La Fontaine accompagna l'exilé : on n'a jamais su au juste si ce fut par affection ou bien par ordre du roi.

Elles sont vives, spirituelles et plaisantes, ces lettres qui nous promènent de Paris à Limoges dans la plus divertissante des compagnies. Que de jolis tableaux! Voici les voyageurs entassés dans le

carrosse :

«Point de moines, mais en récompense trois femmes, un marchand qui ne disait mot, et un notaire qui chantait toujours, et qui chantait très mal il reportait en son pays quatre volumes de chansons. Parmi les trois femmes, il y avait une Poitevine qui se qualifiait comtesse: elle paraissait assez jeune et de taille raisonnable, témoignait avoir de l'esprit, déguisait son nom et venait de plaider en séparation contre son mari. >>

Et quelle scène impayable que la dispute de cette Poitevine avec M. de Chateauneuf, l'exempt chargé d'accompagner M. Jannart à Limoges !

«Notre comtesse en fut la cause; elle est de la religion, et nous montra un livre de du Moulin. M. de Chateauneuf l'entreprit et lui dit que sa religion ne valait rien pour bien des raisons. Premièrement, Luther a eu je ne sais combien de bâtards; les huguenots ne vont jamais à la messe ; enfin il lui conseillait de se convertir, si elle ne voulait aller en enfer; car le purgatoire n'était pas fait pour des gens comme elle. La Poitevine se mit aussitôt sur l'Ecriture, et demanda un passage où il fût parlé du purgatoire; pendant cela, le notaire chantait toujours; M. Jannart et moi, nous nous endormîmes. >> On trouve aussi dans ces lettres d'agréables paysages; et les

historiettes des anecdotiers ne donneront jamais du poète une image aussi vivante que celle qu'il a tracée de lui-même, sans y penser, en nous contant au hasard de la route ses curiosités, ses distractions et ses enthousiasmes. On en pourrait extraire vingt morceaux achevés qui seraient parmi les petits chefs-d'œuvre de la prose française.

Psyché et Cupidon

L'histoire des Amours de Psyché et de Cupidon forme un des épisodes de l'Ane d'or d'Apulée. C'est là que La Fontaine a pris la matière de son roman. Il ne s'est asservi ni au texte ni même à l'affabulation d'Apulée. Il a modifié, en divers endroits, les péripéties du récit, et il a, dans sa préface, longuement expliqué ces changements. A la légende antique, il a parfois mêlé des réminiscences de l'Astrée. En peignant certains paysages, il s'est souvenu de la campagne voisine de Château-Thierry et des coteaux de la Marne. De là des disparates qui nous rebutent ou nous enchantent, selon notre humeur :

:

« Apulée, dit La Fontaine, me fournissait la matière; il ne me restait que la forme, c'est-à-dire les paroles; et d'amener de la prose à quelque point de perfection, il ne semble pas que ce soit une chose fort malaisée : c'est la langue naturelle de tous les hommes. Avec cela je confesse qu'elle me coûta autant que les vers; que si jamais elle m'a coûté, c'est dans cet ouvrage. Je ne savais quel caractère choisir celui de l'histoire est trop simple; celui du roman n'est pas encore assez orné; et celui du poème l'est plus qu'il ne faut. Mes personnages me demandaient quelque chose de galant; leurs aventures, étant pleines de merveilleux en beaucoup d'endroits, me demandaient quelque chose d'héroïque et de relevé... » Il a donc cherché un «< caractère nouveau », un « juste tempérament ». Il s'en est remis comme toujours au goût du siècle : « Or, après plusieurs expériences, il m'a semblé que ce goût se porte au galant et à la plaisanterie... Dans un conte comme celui-ci, qui est plein de merveilleux, à la vérité, mais d'un merveilleux accompagné de badineries et propre à amuser des enfants, il a fallu badiner depuis le commencement jusqu'à la fin; il a fallu chercher du galant et de la plaisanterie. Quand il ne l'aurait pas fallu, mon inclination m'y portait; et peut-être y suis-je tombé en beaucoup d'endroits contre la raison et la bienséance. »

La Fontaine craignait que ces perpétuelles « badineries »> ne choquassent ses contemporains, comme une sorte de parodie irrévérencieuse, et ceux-ci en effet semblent avoir moins goûté Psyché que les Contes ou les Fables. La mode avait changé depuis dix ans, et ce qui avait plu au temps de Fouquet paraissait déjà un peu suranné. De nos jours, ces badineries choquent encore bien davantage les commentateurs graves qui, dans le mythe de l'Antiquité, s'évertuent à découvrir des philosophies, des sociologies, des cosmogonies. En vérité, Psyché est un joli conte un peu long et qui fait songer tour à

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tour aux vieux fabliaux et aux Mille et une nuits. On ne peut résister au charme de cette prose pure, limpide, transparente; ce n'est pas en vain que La Fontaine a tant peiné. Et lorsque, çà et là, le poète se reprend à parler en vers, ces vers sont parmi les plus délicats qu'il ait jamais écrits.

Pour diversifier son roman, il a imaginé une mise en scène ingénieuse. Polyphile, Acante, Ariste et Gelaste ont fait le projet de se rendre à Versailles afin d'y voir les « nouveaux embellissements >>. Polyphile doit en profiter pour lire à ses amis les Amours de Psyché et de Cupidon, qu'il vient de terminer. Or Polyphile, c'est La Fontaine; Acante, Racine; Ariste, Boileau. Quant à Gelaste, on a hésité entre Molière et Chapelle, mais certaines circonstances du récit font penser que Molière ne put être de cette promenade; d'ailleurs Gelaste, c'est trait pour trait ce bohème de Chapelle, qui de ses saillies facétieuses et de sa verve grossière s'entendait si bien à divertir ses compagnons.

Les quatre poètes visitent Versailles, écoutent Polyphile lire son roman, d'abord dans la grotte de Thétis, puis sous les ombrages du parc; ils se livrent chemin faisant à une controverse où Acante et Ariste soutiennent la supériorité de la pitié et du tragique contre Gelaste, défenseur du rire et du comique; le soir venu, après avoir admiré les beautés du couchant, ils reprennent la route de Paris.

C'est ainsi que la vieille fable milésienne se présente entre un dialogue platonicien et un tableau des chefs-d'œuvre de Le Nôtre.

Sauf quelques vers heureux, la description du château et des jardins n'est ni très brillante ni très fidèle. Mais quelle scène que cet entretien de Racine, de Boileau et de La Fontaine dans un bosquet de Versailles! On voit les visages, on entend les voix, l'accent des propos. Précieux monument de l'amitié qui rapprocha trois grands poètes à l'aube de leur gloire, et les unit tendrement jusqu'à la mort !

Le Théâtre

Les registres de la Comédie-Française n'attribuent à La Fontaine qu'une seule comédie, le Rendez-vous, représentée le 6 mai 1683: elle n'a jamais été imprimée. Mais des éditeurs ont publié sous le nom de La Fontaine quatre autres comédies, qui furent jouées sous le nom du comédien Champmeslé : Ragotin, le Florentin, la Coupe enchantée, Je vous prens sans verd. Pour cette dernière, on ne peut songer à l'attribuer à La Fontaine : c'est un badinage très médiocre ; une fable, il est vrai, y est intercalée, mais elle est détestable. Ragotin reproduit un épisode du Roman comique; le Florentin est l'éter

nelle histoire du tuteur jaloux et mystifié. Il est probable que Champmeslé a découpé les scènes de Ragotin dans le roman de Scarron et inventé l'intrigue banale, et d'ailleurs assez invraisemblable, du Florentin. Mais, dans l'une et l'autre de ces deux pièces, surtout dans la seconde, la verve et l'éclat des tirades, l'aisance de la période poétique, la force comique de la versification font songer tantôt au Molière de l'Étourdi, tantôt au Regnard des Folies amoureuses : un vrai poète a passé par là. Quant à la Coupe enchantée, le sujet en est formé de deux contes de La Fontaine assez adroitement cousus; la charmante vivacité du dialogue prouve que La Fontaine ne s'est point contenté de fournir un scénario à Champmeslé.

Les Fables

Des fables manuscrites avaient déjà circulé dans le public quand, en 1668, La Fontaine fit imprimer les six premiers livres et les dédia au Dauphin. Le volume était précédé d'une préface et d'une Vie d'Esope le Phrygien, chef-d'oeuvre de grâce et de malice. Les fables des six premiers livres sont, à peu près toutes, tirées d'Esope ou de Phèdre. Dix ans plus tard parut un second recueil contenant les cinq livres suivants. La Fontaine le présentait ainsi au public: « J'ai jugé à propos de donner à la plupart de celles-ci un air et un tour un peu différent de celui que j'ai donné aux premières, tant à cause de la différence des sujets que pour remplir de plus de variété mon ouvrage. Les traits familiers que j'ai semés avec assez d'abondance dans les deux premières parties convenaient mieux aux inventions d'Esope qu'à ces dernières, où j'en use plus sobrement pour ne pas tomber en des répétitions; car le nombre de ces traits n'est pas infini. Il a donc fallu que j'aie cherché d'autres enrichissements, et étendu davantage les circonstances de ces récits, qui d'ailleurs me semblaient le demander de la sorte: pour peu que le lecteur y prenne garde, il le reconnaîtra lui-même ; ainsi je ne tiens pas qu'il soit nécessaire d'en étaler ici les raisons, non plus que de dire où j'ai puisé ces derniers sujets; seulement je dirai par reconnaissance que j'en dois la plus grande partie à Pilpay, sage Indien... Enfin j'ai tâché de mettre en ces deux dernières parties toute la diversité dont j'étais capable. »

Dans ces quelques lignes La Fontaine a marqué tous les traits qui caractérisent son nouveau recueil: les fables y sont plus diverses, plus longues, les sujets puisés à des sources plus variées, l'accent est parfois plus sérieux, plus grave. L'apologue, qui naguère restait souvent un peu grêle, un peu sec, prend une forme plus large et plus

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libre. Maintenant, maître du genre qu'il a créé, le poète fait rentrer dans la fable tout ce que lui suggèrent ses méditations, ses expériences et ses souvenirs.

Toutes ces fables, parues en 16781679, datent des années heureuses et fécondes qu'il a passées chez Mme de la Sablière avant la conversion de celle-ci. Les savants, les philosophes, les hommes d'esprit qui fréquentaient chez son amie, éveillaient en lui, par leurs entretiens, des curiosités nouvelles. Il a entendu le médecin Bernier, hôte de Mme de la Sablière, commenter << Pilpay, sage Indien »>, lui qui avait vécu treize ans dans l'empire du Grand Mogol, et discuter le cartésianisme, lui qui avait écrit un Abrégé de la philosophie de Gassendi. C'est chez Mme de la Sablière que furent composées les fables << orientales >> comme le Bassa et le Marchand, les Deux Amis, l'Homme qui court après la fortune et l'homme qui l'attend dans son lit, la Souris métamorphosée en fille, et les grandes fables philosophiques comme Un animal dans la lune, Démocrite et les Abdéritains, les Lapins, le Discours

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à Mme de la Sablière qui précède les Deux Rats, le Renard et l'Euf. Enfin, un an avant sa mort, La Fontaine a dédié au duc de Bourgogne le douzième livre. De temps en temps sa verve y languit; mais il s'y rencontre encore d'admirables fables: le Philosophe scythe; la Forêt et le Bûcheron; le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat; et, la dernière qu'il ait écrite, le Juge arbitre, l'Hospitalier et le Solitaire.

La chronologie des Fables n'est pas inutile à qui veut suivre le développement du génie de La Fontaine. Cependant il ne faudrait pas s'y tenir d'une façon trop rigoureuse : il y a, dans les six premiers. livres, des fables qu'on ne serait point surpris de trouver dans les six derniers, et l'inverse est aussi vrai. Malgré leur étonnante diversité, ces brèves poésies n'offrent nulle disparate: toutes nous font vivre dans un même «petit monde », et en passant de l'une à l'autre, nous saluons des personnages de connaissance. Puis, sur chaque fable le poète a mis sa marque: pas une seule, même parmi les moins heureuses, où, au détour d'un vers, n'apparaisse le visage souriant du bonhomme. C'est l'oeuvre la plus harmonieuse et la plus variée qu'un poète ait jamais inventée.

La Fontaine fut dans ses fables un poète, et, si ce n'était une sorte de blasphème, on ajouterait qu'il fut seulement un poète.

On lui a reproché de n'avoir pas été un moraliste, ou d'avoir professé une morale équivoque, insuffisante. Sans aller jusqu'à le taxer d'immoralité, Jean-Jacques Rousseau a soutenu que les Fables sont un danger pour les enfants, et que ceux-ci, incapables d'en saisir la véritable signification, ne manquent jamais de trouver une « leçon de la plus basse flatterie » dans le Corbeau et le Renard; une «leçon d'inhumanité» dans la Cigale et la Fourmi; une « leçon d'indépendance » ou de « licence » dans le Loup et le Chien, etc...; « au lieu de s'observer sur le défaut dont on les veut guérir ou préserver, ils penchent à aimer le vice avec lequel on tire parti des défauts des autres. » Lamartine a été bien plus loin : « Ces histoires d'animaux, dit-il, qui parlent, qui se font des leçons, qui se moquent les uns des autres, qui sont égoïstes, railleurs, avares, sans amitié, sans pitié, plus méchants que nous, me soulevaient le coeur. Les Fables de La Fontaine sont plutôt la philosophie dure, froide et égoïste d'un vieillard que la philosophie aimante, généreuse, naïve et bonne d'un enfant : c'est du fiel, ce n'est pas du lait pour les lèvres et les cœurs de cet âge. >>

Si l'on prend à la lettre la préface que La Fontaine mit en tête de ses Fables, on sera tenté de se dire, avec Rousseau et Lamartine, qu'il n'a pas atteint le but que lui-même proposait au fabuliste. «Platon..., dit-il, souhaite que les enfants sucent ces fables avec le lait; il recommande aux nourrices de les leur apprendre; car on ne saurait s'accoutumer de trop bonne heure à la sagesse et à la vertu. Plutôt que d'être réduits à corriger nos habitudes, il faut travailler à les rendre bonnes pendant qu'elles sont indifférentes au bien ou au mal...Il ne faut pas m'alléguer que les pensées de l'enfance sont ellesmêmes assez enfantines, sans y joindre encore de nouvelles badineries. Ces badineries ne sont telles qu'en apparence; car, dans le fond,

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elles portent un sens très solide. Et comme par la définition du point, de la ligne, de la surface, et par d'autres principes très familiers, nous parvenons à des connaissances qui mesurent enfin le ciel et la terre, de même aussi, par les raisonnements et conséquences que l'on peut tirer de ces fables, on se forme le jugement et les mœurs, on se rend capable des grandes choses. »>

Il est douteux que les apologues, renouvelés par La Fontaine, des Grecs, des Latins et des Orientaux, présentent une doctrine propre à rendre les hommes «< capables des grandes choses ». Il serait vain d'y chercher des maximes d'héroïsme ou des préceptes de sainteté. Jusqu'au jour de sa conversion, La Fontaine fut très peu chrétien, encore moins stoïcien. Si l on voulait à toute force extraire une morale de ses fables, on n'en trouverait point d'autre que celle de l'utilité, fondée sur l'expérience de la vie et le sens commun, mais préservée de toute bassesse par le goût de la justice, le sequere naturam, pratiqué par un cœur tendre et un esprit délicat, la morale d'un honnête homme, indulgent aux autres comme à soi-même, qui voudrait bien n'être ni dupe ni dupé, et qui cependant, des deux rôles, s'il y était forcé, choisirait le premier comme le moins déshonorant.

Mais pourquoi demander une « éthique » à Jean de La Fontaine ? Cette préface, pour la bien entendre, il faut se rappeler qu'en toute occasion La Fontaine veut se couvrir de l'exemple des Anciens. Il n'a jamais rien tenté sans invoquer la parole d'un Grec ou d'un Romain. Il s'imaginait désarmer toute censure en citant Platon. Et n'était-il pas naturel qu'en publiant ses premières fables il tînt à prouver leur excellente moralité? Il n'avait jusqu'alors donné que des contes; sans doute il ne les croyait point scandaleux; mais, si ingénu fût-il, ne devait-il point juger prudent d'avertir le public qu'on pouvait, sans péril, mettre sous les yeux des enfants ce nouvel ouvrage de l'auteur de Joconde? D'ailleurs, le recueil étant dédié au Dauphin, il était séant d'affirmer que la lecture des Fables rendrait le prince capable des grandes choses ». On se trompe à vouloir découvrir dans une préface le véritable, l'unique dessein d'un auteur. La Fontaine était convaincu que ses fables étaient morales, il croyait bien que ses contes n'étaient pas immoraux. Mais, à coup sûr, ce n'était point de morale qu'il se souciait en faisant dialoguer ses animaux. Dans la même préface, il déclare qu'aux apologues des Anciens il a voulu ajouter des « traits qui en relevassent le goût ». « C'est, dit-il, ce qu'on demande aujourd hui: on veut de la nouveauté et de la gaieté. Je n'appelle pas gaieté ce qui excite le rire, mais un certain charme, un air agréable qu'on peut donner aux sujets même les plus sérieux. » Cette fois, croyons-le sur parole. Son principal objet fut, non pas d'instruire ou d'édifier les hommes, mais de leur plaire. « On ne considère en France, dit-il, que ce qui plaît: c est la grande règle et pour ainsi dire la seule. » Pour obéir à cette règle il a déployé toutes les ressources de son esprit : délicatesse du goût, recherche attentive de la perfection, richesse de l'invention poétique. La loi du genre voulant qu'une « moralité » fût ajoutée à la fable, presque toujours il a suivi l'usage; mais, chez lui, ces sortes de maximes n'ont

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